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Les Ateliers du Travail soutiennent les victimes de France Telecom !

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Des voix sanglotantes lors de témoignages poignants, de réelles prouesses théâtrales de la part des avocats, une présidente du Tribunal étonnée de ce qu’elle entend, des prévenus silencieux, des syndicats qui se rassemblent sur le parvis et manifestent contre la souffrance au travail… Nous vivons un « procès historique », celui de France Télécom.

Du 6 mai au 11 juillet 2019 se tient le procès de France Télécom au Tribunal de Paris. Huit prévenus sont à la barre. Didier Lombart, ex-PDG, Olivier Barderot, ex-DRH Groupe, Louis Pierre Wenes, ex-Directeur des Opérations, la personne morale de France Télécom, représentée par Nicolas Guerin, sont accusés de harcèlement moral. Nathalie Boulanger-Depommier, ex-Directrice des actions territoriales, Jacques Moulin, ex-Directeur territorial Est, Guy-Patrick Cherouvrier, ex-DRH France, Brigitte Bravin-Dumont, ex-responsable programme ACT sont accusés de complicité au harcèlement moral.

Le Parquet de Paris cite 39 victimes (19 suicides, 12 tentatives et 8 dépressions ou arrêts maladies) sur la période de 2007 à 2010. Période au cours de laquelle le plan NExT (Nouvelle expérience des télécommunications) et son volet ACT (Anticipation et compétences pour la transformation) « basés sur le rendement, l’efficacité et la productivité », selon les avocats des parties civiles, ont été mis en place. La direction prévoyait alors 22 000 suppressions d’emplois, 8 000 embauches et 10 000 changements de métiers.

Rappelons le contexte des transformations organisationnelles de France Télécom : détention de l’État de moins de 50% du capital de l’entreprise, ouverture à la concurrence, virage numérique et impossibilité de licencier des fonctionnaires… Une situation complexe et un « Management par la Terreur » dénoncé par les victimes, leurs familles, mais aussi par les organisations syndicales et les professionnels de santé qui travaillaient à France Télécom.

Selon les parties civiles, cette situation ne justifie en rien des reconversions imposées dans la vente, des incitations répétées au départ, des mises au placard, des mobilités forcées, des surcharges ou absences de travail et des réorganisations tous azimuts… Le code du travail est largement cité par leurs avocats tout au long de ce procès, « c’est au travail de s’adapter à l’homme et non à l’homme de s’adapter au travail ». Nous retiendrons l’évocation, à plusieurs reprises, de la dignité humaine et de « l’obligation légale de l’employeur de protéger la santé de ses salariés ».

Les Ateliers du Travail soutiennent largement les victimes de France Télécom, les familles et les parties civiles. L’association était présente lors du procès, plusieurs de ses membres y ont assistés. Les deux dernières semaines étaient consacrées aux plaidoiries des avocats des parties civiles et des prévenus. Période fatidique au cours de laquelle Les Ateliers du Travail ont été les témoins d’un combat acharné entre les avocats de chaque partie. 

Ce procès, sous les spots des projecteurs, est le premier cas «d’harcèlement moral systémique » comme le déclare l’avocat Maître Teissonnière lors d’une de ses plaidoiries. Il souligne l’importance d’un jugement qui servirait d’exemple à toutes les entreprises qui suivraient cette voie…Les avocats de la partie civile évoquent le fait d’axer la politique d’entreprise exclusivement sur les chiffres et de répondre aux objectifs de compétitivité à tout prix.

Dans un monde axé sur le numérique où tout semble aller plus vite, il est important de repositionner l’humain pour ne pas s’épuiser. Il est nécessaire de prendre le temps et de regarder la société à travers les yeux des jeunes qui seront les collaborateurs et managers de demain. Les Ateliers du Travail l’ont d’ailleurs bien compris. Deux stagiaires de l’association, étudiantes en Baccalauréat Professionnel, ont assisté avec assiduité à ce procès. Il semble important de sensibiliser les jeunes en leur inculquant l’importance du respect et de la dignité humaine, quels que soient les enjeux des transformations sociétales.

Finalement on pourrait s’interroger sur le système du service public français : une plus grande flexibilité pour les licenciements ou les ruptures à l’amiable pour les fonctionnaires pourraient-elles prévenir les risques ? Quel est le rôle de l’État dans tout ça ? Les transformations organisationnelles concernent l’ensemble des acteurs de la société et des mesures peuvent être prises à chaque niveau pour améliorer le passage d’un modèle à l’autre.

La deuxième semaine de plaidoiries laisse place aux avocats de la défense. On ne peut que remarquer l’incompréhension totale entre les deux parties du procès. Il ne semble pas y avoir de considération sur les difficultés de chaque partie. Le manque de communication est assez révélateur de notre société qui implique rarement l’ensemble des parties lors de la prise de décision.

Il est difficile de juger et de choisir un modèle qui conviendrait à tous, surtout dans des organisations en pleine transformation. La loi sur le harcèlement moral semble limitée, y aurait-t-il une réelle sanction pour ce que la procureure a dénoncé de « harcèlement systémique » ? Finalement, qu’il y ait eu une intention délibérée de la part du management ou pas, on ne peut pas nier une réelle souffrance au travail qui s’est accumulée sur plusieurs années à France Télécom et ses conséquences tragiques.

C’est dans ce sens que Les Ateliers du Travail soutiennent à nouveau les victimes de France Télécom lors du dernier jour de plaidoirie, jeudi 11 juillet 2019. La responsable de l’association n’hésite pas à prendre la parole lors du rassemblement entre syndicats et parties civiles devant le parvis du tribunal pour exprimer le soutien de l’association. L’objectif est de proposer des solutions d’accompagnement psychologique et juridique aux victimes. 

Dans ce procès qualifié « d’historique » par le tribunal, les peines encourues sont d’un an de prison pour chaque prévenu et 2 millions d’euros environ d’amende à verser à l’ensemble des parties civiles. Un procès qui réunit 30 témoins et plus d’un million de pages de pièces à conviction. On note aussi une volonté d’être juste envers les victimes et les prévenus dans la délibération qui se fera le 20 décembre 2019. « C’est un lourd fardeau que le Tribunal emporte dans son délibéré » conclut la présidente du Tribunal, Cécile Louis-Loyant.

L’association “Les Ateliers du Travail” a soutenu les parties civiles de France Télécom par sa présence, la diffusion d’information sur le harcèlement moral et sa prise de parole aux côtés des syndicats. Pour elle, ce procès pourrait symboliser un réel pas en avant dans la reconnaissance du “harcèlement moral managérial”. Sans oublier qu’elle soutient également les employés d’autres entreprises qui souffrent au travail. Les Ateliers du Travail montrent, une fois de plus, leur volonté d’améliorer les conditions de vie et de travail de tous les salariés.

Par A. I.

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